Le tribunal du Havre reconnait l’état de nécessité pour les militant·es d’Extinction Rebellion et Scientifiques en rébellion
16 activistes climat relaxé·es au nom de « l’état de nécessité » : une victoire qui fait date


En mai 2023, des activistes des mouvements Scientifiques en rébellion et Extinction Rébellion avaient bloqué une écluse au port du Havre, pour protester contre l’installation d’un nouveau terminal méthanier, qui aggrave la dépendance de la France aux énergies fossiles et augmente les émissions de gaz à effet de serre, alors même que notre pays ne remplit pas ses engagements pour lutter contre le changement climatique pris lors de l’Accord de Paris.
Le 6 décembre 2024, 16 militant·es ont comparu au tribunal correctionnel du Havre. Le jugement a été rendu en début de semaine : tous et toutes ont été relaxé·es au motif de l’état de nécessité. La juge a donc reconnu que nous n’avons pas d’autre choix, en tant que citoyen·nes et que scientifiques, que de désobéir pour protéger la vie sur terre et que nos actions de désobéissance civile sont proportionnées et nécessaires. Ce jugement est d'une importance particulière dans le contexte actuel de reculs politiques sur la question écologique qui se font au mépris des connaissances scientifiques et en mettant en péril la survie de nos sociétés.
Le verdict rappelle que « l’état de nécessité peut être défini comme la situation dans laquelle se trouve une personne – ou un groupe de personnes – qui n’a d’autre choix que d’accomplir un acte prohibé pour sauvegarder un intérêt supérieur. Cet état de nécessité se caractérise par un danger actuel ou imminent et une violation de la valeur protégée nécessaire et proportionnée ».
Il souligne que « la France subit les conséquences du dérèglement climatique provoqué par l’activité humaine. Il ressort également de ce rapport [du GIEC] que la France ne pourra pas atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’était fixés ». Comme l’avait plaidé la défense, il reconnaît que « la réalité et l’imminence du danger sont avérées ».
Il en conclut logiquement que « l’entrave à la circulation apparait comme ayant été nécessaire pour attirer l’attention du public et des médias sur la construction du nouveau terminal méthanier en contradiction avec l’objectif général de diminution de recours aux énergies fossiles. Elle apparait également proportionnée face à la menace. »
C’est la deuxième fois en quelques mois que des membres d’Extinction Rebellion et de Scientifiques en rébellion sont relaxé·es au nom de l’état de nécessité par un tribunal. Le 10 octobre dernier, le Tribunal de Police de Paris avait prononcé le même jugement à l’encontre de militant·es qui avaient réalisé une conférence-occupation au Muséum National d’Histoire Naturelle. Le parquet a fait appel, comme il l’avait fait dans d’autres jugements similaires ces dernières années (par exemple le décrochage des portraits d’Emmanuel Macron à Lyon ou l’action d’Extinction Rebellion dénonçant l’agroindustrie à La Rochelle). Dans le cadre de l’affaire du Havre, il a dix jours pour décider ou non de le faire.

Rappel des épisodes précédents
Le 12 mai 2023, les Scientifiques en rébellion, en coalition avec d’autres mouvements (ANV-COP21, Extinction Rebellion, Stop Eacop et Dernière Rénovation) ont ciblé TotalEnergies et son projet d’installation d’un terminal méthanier flottant au Havre. Ce projet, qui permet d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) par bateau et qui a été mis en service en octobre 2023, va à l’encontre des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France, qui nécessitent de stopper immédiatement le développement de toute nouvelle infrastructure fossile. Cette action avait pour objectif de rappeler que le gaz – et en particulier le GNL – n’est en aucun cas une énergie propre ou « de transition », mais bel et bien une énergie fossile qui contribue fortement au réchauffement climatique.
En parallèle avec deux autres actions, une dizaine de scientifiques en blouses blanches et plusieurs membres des collectifs partenaires avaient bloqué le pont mobile situé sur l’écluse François Ier qui assure le passage du fret maritime, constitué en grande partie de carburant fossile. Certain·es d’entre elles et eux s’étaient pour cela enchaîné·es au pont. Ce pont est particulièrement symbolique, car il est situé à côté du chantier de construction du projet FSRU (Floating Storage and Regasification Unit) visé. Ce navire, amarré en permanence, a pour fonction de recevoir du GNL transbordé depuis des bateaux méthaniers, de le stocker, de le ramener à l’état gazeux et de l’injecter dans le réseau de transport de gaz naturel.
Le procès des 16 activistes s’est tenu le 6 décembre 2024 au tribunal correctionnel du Havre. Iels étaient poursuivis pour entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique. Le procès avait été marqué par les témoignages de Frank Marba, victime climatique aux Philippines et plaignant dans un recours pénal contre TotalEnergies, et de Stéphane Costa, co-président du GIEC normand. Bien que reconnaissant le caractère actuel ou imminent du danger causé par le changement climatique, la procureure avait requis de maintenir l'amende initiale de 200 euros par personne.
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