Raison d'être de Scientifiques en rébellion

Constat

Nous faisons face à une situation inédite. Notre modèle de société fondé sur la croissance économique infinie a failli. Le déni des limites planétaires a conduit à un effondrement généralisé des écosystèmes et au changement climatique qui menacent directement l’avenir de nos sociétés, voire de l’humanité et de l’ensemble du vivant. Les populations les plus vulnérables et directement affectées sont celles qui ont la plus faible responsabilité dans cette situation. Elles subissent le plus violemment l’exploitation par les pays riches et par les entreprises multinationales qui sont responsables de l’écrasante majorité des émissions de gaz à effet de serre et des atteintes à l’environnement.

Depuis plusieurs décennies, les scientifiques lancent des alertes basées sur des résultats de recherche convergents et solidement documentés. Cependant, ces connaissances scientifiques ont été et sont encore minimisées, niées ou distordues afin de faire perdurer le modèle socio-économique dominant au détriment de l’intérêt général. La combustion massive des ressources fossiles, l’extraction effrénée des ressources, la pollution de l’air et de l’eau, la pollution et l’artificialisation des sols, l’utilisation à outrance des pesticides et des antibiotiques pour l’agriculture et l’élevage intensifs, l’incorporation de nombreux additifs toxiques dans les produits de consommation ont eu les effets mortifères redoutés en dégradant le climat, la biodiversité et la santé publique.

En tant que scientifiques, nous avons conscience du rôle souvent néfaste que la science a joué dans l’histoire de cette catastrophe. Nous considérons aujourd’hui qu’il est illusoire et irresponsable de miser principalement sur un hypothétique déploiement de technologies pour apporter des solutions appropriées à la gravité et à la complexité des problèmes écologiques actuels dans les délais requis. En outre, ce fantasme techno-solutionniste est dangereux car il freine la nécessaire et urgente transformation de notre modèle socio-économique et de nos modes de vie. Les travaux scientifiques doivent en priorité contribuer à cette transformation, avant d’être mis au service d’innovations (géo-ingénierie, capture du carbone, agriculture high-tech, organismes génétiquement modifiés...) qui peuvent détourner les efforts des véritables priorités, ou aggraver la situation.

Nous ne pouvons continuer à mener des recherches sans réagir alors que les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de sauvegarde de la biodiversité et de protection de la santé publique sont loin d’être à la hauteur des engagements, pourtant insuffisants, affichés par les États et les entreprises. Cette inaction criminelle est démontrée par de multiples condamnations en justice.

Spécificité

En tant que scientifiques, nous avons une conscience particulière de la gravité des conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité car elles sont documentées par notre communauté. Certain·e·s d’entre nous produisent des données et des analyses pour comprendre l’évolution du climat, des écosystèmes, et des sociétés. D’autres étudient les solutions et leurs limites. Pour contribuer à informer l’action publique, nous pouvons facilement mobiliser les savoirs construits par nos collègues et nous avons un accès privilégié aux résultats des recherches. Nous avons vocation à défendre l’intérêt général et le bien commun. Cela nous confère une légitimité auprès des médias, des dirigeant·e·s politiques, et de la société en général.

Face à la dégradation rapide, systémique, massive et inédite des milieux et conditions de vie, nous nous sentons une responsabilité particulière à agir. Nous sommes convaincu·e·s que l’éthique scientifique nous commande d’intervenir dans le débat démocratique pour que les savoirs scientifiques pèsent dans nos choix de société. Nous défendons l’appropriation des consensus et débats scientifiques par tou·te·s les citoyen·ne·s pour la prise de décision politique, par exemple à travers des conventions ou assemblées citoyennes.

Scientifiques en rébellion est un collectif ouvert à l’ensemble des scientifiques de toutes disciplines, tous statuts et tous secteurs. Nous accueillons toutes les personnes qui ont une formation et/ou une activité scientifiques, qui adhèrent à nos valeurs, objectifs et modes d’action, et qui souhaitent contribuer aux activités, réflexions et débats du collectif.

Les personnes qui souhaitent seulement être tenues informées peuvent s’abonner à notre liste de diffusion.

Valeurs et principes

Nous défendons les valeurs suivantes :

En tant que scientifiques, nous adhérons aux principes suivants :

Le fonctionnement du collectif repose sur :

Objectifs

Nous poursuivons quatre grands objectifs :

1. Alerter sur la gravité des consensus scientifiques : Faire connaître à l’ensemble des citoyen·ne·s les consensus scientifiques sur la gravité de la catastrophe écologique, et les alternatives au business as usual permettant de s’orienter vers une société pérenne et équitable.

2. Dénoncer les manipulations et les contradictions : Faire reconnaître par les institutions, les entreprises et les médias la contradiction entre l’idéologie de la croissance infinie et la possibilité d’un monde vivable. Dénoncer l’écart abyssal entre les engagements affichés et les politiques menées, ainsi que la subordination de l’intérêt public aux intérêts privés. Nous attaquer aux mensonges et à la manipulation (greenwashing, fabrique du doute...).

3. Instaurer un rapport de force : Participer à instaurer un rapport de force avec les entreprises et les institutions pour que des décisions collectives à la hauteur des enjeux soient prises dès maintenant.

4. Réorienter l’enseignement supérieur et la recherche : Encourager des pratiques et des domaines de recherche et d’enseignement insuffisamment investis pour une société pérenne et équitable ; repérer et dénoncer les recherches néfastes et intimement liées à des politiques de croissance économique sans considération des limites planétaires.

Modes d’action

L’atteinte de ces objectifs nécessite la confrontation avec certains acteurs qui ont intérêt au statu quo. Nous apportons donc notre soutien aux collectifs partageant nos objectifs et compatibles avec nos valeurs, en particulier ceux qui pratiquent la désobéissance civile. Ce soutien peut prendre plusieurs formes : témoignage lors de procès, participation à des actions, rédaction d’argumentaires, etc.

Nous initions aussi nous-mêmes des actions de désobéissance civile non-violente auxquelles les membres ont la liberté de prendre part ou non individuellement. Nous pensons que ces actions sont en cohérence avec l’éthique scientifique, parce qu’elles permettent notamment de porter à la connaissance de toutes et tous les résultats de nos recherches. Ces actions peuvent prendre différentes formes : conférences « non invitées », blocages, occupations, affichage sauvage, perturbation d’événements...