Scientifiques en rébellion se félicite du soutien du Comité d'éthique du CNRS à la liberté d'engagement des chercheur·es
Scientifiques en rébellion prend acte de la publication le 7 juillet de l’avis 44 du Comité d'éthique du CNRS (COMETS) « Entre liberté et responsabilité : engagement public des chercheurs et chercheuses » qui fait explicitement référence à notre collectif et à nos modalités d’action et de prise de position publique.
Nous nous félicitons de l’avancée majeure que constitue cet avis dans le paysage des rapports entre sciences, société et politique. En effet, l’avis du COMETS rappelle de façon claire et catégorique que :
- La liberté d’engagement dans l’espace public est un droit fondamental des chercheurs et chercheuses, rappelant ainsi que les sciences sont un bien commun au service de l’intérêt général
- Le concept de neutralité en sciences est une notion mal définie et mal comprise qui ne peut être opposée à l’engagement public des chercheurs
- Les institutions doivent se garder de contrôler et/ou sanctionner les chercheurs pour leur engagement public et devraient à l’inverse soutenir les personnels qui seraient victimes de diverses formes d’intimidation voire de répression
Cet avis est un écho au Manifeste de Scientifiques en rébellion « Pour la liberté d’engagement des scientifiques » qui a été signé par plusieurs centaines de scientifiques à ce jour.
Nous comprenons que la rédaction d’un tel avis est un exercice difficile. Il n’est donc pas surprenant de rencontrer dans le résumé, les conclusions ou le corps de l’avis un certain nombre de points vagues voire ambigus qui appellent à une certaine vigilance. Ainsi :
- Subordonner la légitimité de l’engagement à l’expertise individuelle des chercheurs nous semble inadapté au contexte actuel de production de savoirs et au métier de chercheurs. La notion d’expertise sur des sujets aussi systémiques et interdisciplinaires que les crises écologiques et climatiques devrait être clarifiée afin qu’elle ne puisse servir des interprétations contraires au présent avis.
- La réduction de l’engagement à des aspects individuels (de responsabilité et de déontologie) occulte la dimension collective de l’engagement et plus généralement de l’activité même de recherche. L’éthique et la pratique du/de la chercheur·e s’inscrivant dans une démarche collective, il convient de poser la question de la responsabilité du chercheur dans ce cadre, d’autant plus quand son engagement se fait précisément au travers d’un collectif.
- En affirmant que « chaque chercheur doit rester libre de s’engager ou non », l’avis du COMETS laisse dans l’ombre les questionnements éthiques qui se posent quant à l’attitude des chercheur·es dont l’activité ou l’inaction contribuent à amplifier les risques liés aux crises climatiques et écologiques et s’opposent de facto au bien commun.
- Le rapport n’aborde pas les raisons qui poussent de plus en plus de scientifiques à s’engager hors du cadre institutionnel : le décalage croissant entre la vision de la Science au service de l’intérêt général et la réalité du métier de chercheur·e aujourd’hui. Cette tension entre les aspirations éthiques et sociales des chercheur·es et les politiques publiques de recherche est aujourd’hui un moteur majeur de l’engagement public des scientifiques.
- Le rôle des institutions n’est d’ailleurs pas clairement tranché, notamment leur attitude vis à vis des chercheur·es engagé·es : le CNRS doit-il rester neutre vis-à-vis des scientifiques engagé·es, leur apporter son soutien, ou bien normer et cadrer les formes d’engagement public des scientifiques ? Si l’avis du COMETS insiste sur la nécessité de sensibiliser les chercheur·es aux enjeux de l’engagement public dans les médias, nous pensons que les institutions devraient accompagner la démarche éthique et engagée de leurs personnels en proposant des formations et en organisant un débat plus global, inclusif, ouvert...
L’avis du COMETS ouvre enfin un espace de discussion sur les questions de neutralité, de responsabilité, de liberté et d’engagement des scientifiques en société, et plus généralement sur les rapports entre science et politique. Cet avis offre l’opportunité d’un débat rationnel et serein qui s’oppose de facto à la tentation de criminaliser l’engagement des scientifiques dans un contexte d'intensification des tensions sociales et politiques liées aux crises climatiques et écologiques.