2024-03-01

Les Scientifiques en rébellion en procès en Allemagne le 5 mars pour avoir dénoncé l’inaction climatique

Six membres de la branche française du collectif Scientist Rebellion seront en procès en Allemagne le 5 mars, pour des actions réalisées en octobre 2022. A cette époque, des dizaines de membres du collectif avaient participé à une série d'actions ciblées de désobéissance civile non-violente à Munich pour dénoncer des pratiques illégitimes et irresponsables en temps de catastrophe écologique. Le constructeur automobile BMW et le gestionnaire d’actifs BlackRock avaient notamment été visés, conduisant à une série d'arrestations et jusqu’à 6 jours de détentions préventives. Au total, les charges pénales et les frais de justice associés avaient été estimés à environ 350 000 euros. Lors du procès du 5 mars, les prévenus et leurs avocats chercheront à faire reconnaître l'état de nécessité et la légitimité des actions, à la fois sur les cibles visées et sur les moyens employés. Le collectif Scientifiques en Rébellion rappelle ainsi que, face aux alertes de plus en plus prégnantes des scientifiques et de la société civile, la réponse des gouvernements ne doit pas être la répression, mais l’adoption de mesures politiques à la hauteur des enjeux.

Pour Sylvain Kuppel, qui figure parmi les prévenus : « La science est suffisamment claire : nous sommes dans une situation d'urgence climatique et écologique, et la responsabilité humaine est indiscutable. Nous, scientifiques, avons pris des risques pour alerter, c’est maintenant au tour de la justice de faire sa part et de reconnaître, plutôt que d’entraver, nos alertes ». À l’approche du procès, Jérôme Guilet relate quant à lui son état d’esprit : « Ce procès nécessite beaucoup de préparation, ce qui va avec son lot de stress. Mais au final nous sommes sereins, confiants d’être du bon côté de l’Histoire ».

Les actions d’octobre 2022, organisées par le collectif international Scientist Rebellion, avaient duré trois semaines et sont décrites dans notre communiqué de presse de l’époque. Au terme d’une semaine d’actions à Munich, les scientifiques avaient alors collé leurs mains à la glue à une automobile de sport de luxe dans le showroom BMW. Ils avaient également collé des publications scientifiques sur plusieurs autres modèles exposés, entraînant leur mise en détention provisoire. Parmi eux se trouvent Sylvain Kuppel, chercheur en hydrologie à Toulouse, Jérôme Guilet, astrophysicien à Saclay, Hugo Raguet, enseignant-chercheur en informatique à l’université de Tours et à l’INSA Centre-Val de Loire, Marceau Minot, docteur en écologie de l’université de Rouen, et Lauranne, docteure en écologie tropicale de l’université de Cambridge. Manua, coordinateur de Scientist Rebellion pour la France, est également inculpé. Leur mise en prison avait provoqué une vive réaction de la communauté scientifique : 1300 scientifiques avaient signé une lettre ouverte en soutien à leurs collègues.


Occupation du showroom BMW par des membres de Scientist Rebellion, octobre 2022.

À l’issue des arrestations, des amendes très élevées avaient été requises (jusqu'à 12 800 euros par personne), ce qui entraînerait des inscriptions au casier judiciaire allemand. Ces amendes ont été systématiquement et formellement contestées, ouvrant ainsi la voie à une série de procès au tribunal fédéral de Munich. Les deux premiers procès ont réussi à réduire certaines amendes, mais il est prévu de faire appel pour tenter d’obtenir la reconnaissance de l'état de nécessité et de la légitimité de ces actions. Le troisième procès concerne donc les 6 français.es membres de Scientifiques en Rébellion qui se rendront à l'audience du mardi 5 mars. Pour soutenir ses membres faisant face à ces dépenses conséquentes, Scientist Rebellion a lancé une collecte de fonds avec un objectif initial de 100 000 euros, dont le quart a été pour l’instant été récolté.

Ce procès intervient dans un contexte national et international de judiciarisation et de répression croissante des actions non-violentes pour la défense de l’environnement. Pour autant, certaines victoires judiciaires ou symboliques ont récemment été obtenues. Le 28 février dernier, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement publiait un texte de positionnement intitulé « Répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementales : une menace majeure pour les droits humains et la démocratie ». Parmi ses principales recommandations, le rapport préconise aux États de veiller à ce que les décisions de justice ne contribuent pas à restreindre la liberté d’expression. Le même jour, en France, le tribunal de Paris prononçait la relaxe de deux militants du collectif Dernière Rénovation poursuivis pour avoir projeté de la peinture sur le ministère de la transition écologique. Cette relaxe a été justifiée au motif que leur incrimination pénale constituait « une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ».

Enfin, en janvier dernier, la justice française a rendu son premier verdict pour un procès concernant le collectif Scientifiques en Rébellion. Ce procès se tenait dans le cadre d’une conférence-occupation que le collectif avait organisé en avril 2022 au Muséum National d’Histoire Naturelle. Le tribunal a finalement signifié la relaxe et annulé les amendes de l’ensemble des prévenu.es sur la justification d’infractions non caractérisés.