2024-02-03

Pour les scientifiques en rébellion, la FNSEA et le gouvernement marchent sur la tête

Le collectif Scientifiques en rébellion signe une tribune dans L’Obs, critiquant vertement la réponse de la FNSEA et du gouvernement à la colère agricole.

Dans une tribune publiée dans L’Obs le 3 février 2024, le collectif Scientifiques en rébellion dénonce la récupération par certains syndicats et la réponse clientéliste du gouvernement à la colère légitime des agriculteur·rices, dont la revendication première est d’accéder à des revenus dignes. Le collectif y rappelle les différents enjeux et résultats de la littérature scientifique autour de l’agriculture : émissions de gaz à effet de serre, impacts des produits phytosanitaires sur la santé des agriculteur·rices et des écosystèmes, problématique de l’eau, et impacts délétères du libre-échange sur les revenus. Dans ce texte, les scientifiques soulignent que « répondre à la détresse des agriculteurs et agricultrices est compatible avec le respect de l’environnement et de la santé publique », notamment par une transition vers l’agro-écologie combinée à des mesures assurant un revenu digne pour les agriculteur·rices. Ils et elles appellent les citoyen·nes à s’opposer à l’agro-industrie, et soulignent que les conventions citoyennes sont des outils démocratiques potentiellement utiles pour identifier les mesures à prendre.

Dans leur tribune, les scientifiques martèlent de nouveau, références à l’appui, que « le modèle agricole industriel et productiviste conduit à une catastrophe sociale et environnementale », que ce modèle contribue au changement climatique et à l’effondrement massif de la biodiversité mais aussi que « cette agriculture ne s’adaptera pas indéfiniment à un environnement profondément dégradé. Qu’elle ne s’adaptera pas à un réchauffement climatique de +4 °C et une ressource en eau fortement diminuée, pas plus qu’à une disparition des insectes pollinisateurs ». Le collectif souligne les conséquences tragiques pour les agriculteur·rices de ce modèle agricole : santé physique et mentale, conditions économiques et enfin travail avec des milieux profondément dégradés ou avec des ressources vitales réduites. Pour les signataires de cette tribune, la détresse des agriculteur·rices témoigne aussi de « ce conflit interne entre le modèle productiviste qui les emprisonne et la nécessité de préserver l’environnement ».

Les scientifiques précisent que « des pratiques et des modèles alternatifs existent, réduisant significativement les émissions de gaz à effet de serre et préservant la biodiversité » et qu’« ils sont déjà mis en œuvre par des agriculteur·rices qui prouvent chaque jour que d’autres voies sont possibles ». Le collectif dénonce le détournement de la colère d’une partie du monde agricole sur les normes environnementales orchestré conjointement par la FNSEA et le gouvernement, qui a conduit aux mesures annoncées le 1er février par M. Attal. Ces mesures (remise en cause du plan Ecophyto, et reprise en main de l’Anses notamment) « sont en totale contradiction avec l’urgence de s’attaquer à la dégradation environnementale couplée à celle des conditions de vie et de travail des agriculteur·rices » et démontrent selon les signataires « que la priorité gouvernementale est de sanctuariser le modèle agro-industriel ».

À rebours de ce recul dramatique sur le plan environnemental et de cette non-réponse sérieuse à la question des revenus agricoles, les signataires appellent « les citoyen·nes et les agriculteur·rices à soutenir les changements de politique qui iraient réellement dans l’intérêt général, du climat, de la biodiversité » et indiquent que seul un débat collectif, nourri par de multiples savoirs et expériences, de qualité et organisé démocratiquement, devrait décider des orientations à soutenir face à un sujet aussi fondamental que celui de notre subsistance.

Cette tribune, en complément de nombreuses autres portées par des structures ou collectifs œuvrant dans le sens d’une transformation radicale des socio-écosystèmes pour faire face aux catastrophes écologiques et sociales (Confédération Paysanne, MRJC, Soulèvements de la Terre…), arrive après deux semaines d’une forte mobilisation des agriculteur·rices, et au lendemain du baisser de rideau de celle-ci, après que le gouvernement a renoncé à des mesures indispensables et vitales de protection de l’environnement pour tous les organismes vivants.

Le collectif Scientifiques en rébellion avait déjà par le passé mené des actions en lien avec le sujet de l’agriculture et des pesticides. Ainsi, le 1er décembre dernier, en marge de l’alter-COP qu’ils et elles avaient organisée à Bordeaux, les Scientifiques en rébellion avaient mené une action de sensibilisation dans l’espace public aux causes de la destruction de la biodiversité, notamment en Gironde. Ils et elles avaient notamment pris la parole devant l’École du vin, devant le Muséum d’histoire naturelle, et avaient remis le rapport de l’IPBES à l’Hôtel de Région. En mars 2023, en parallèle du salon de l’Agriculture, au cours d’une action appelée « Printemps silencieux », ils et elles avaient formé un cortège funèbre dans le jardin du Muséum national d’histoire naturelle pour dénoncer les conséquences catastrophiques du recours massif aux pesticides et promouvoir un autre modèle agricole.