2023-12-01

Lors d’une action dans différents lieux de Bordeaux, les « Scientifiques en rébellion » invitent à considérer conjointement urgence climatique et urgence écologique

Vendredi 1er décembre au matin, dans le cadre d’actions menées en marge de la COP Alternative de Bordeaux, les Scientifiques en rébellion ont mené une action de sensibilisation aux causes de la destruction de la biodiversité, notamment en Gironde. Différents temps forts se sont succédés : une prise de parole devant le Muséum d’Histoire Naturelle, une déambulation avec distribution de tracts, une prise de parole devant l’École du Vin et la remise du rapport de l’IPBES à l’Hôtel de Région. Les prises de paroles étaient partagées avec des militant.es engagées dans des collectifs locaux. A l’heure de la COP, les scientifiques souhaitaient rappeler le besoin de rassembler les problématiques climatiques et celles de biodiversité, et d’aborder l’urgence écologique de manière systémique.

Les scientifiques se sont d’abord rassemblés devant le Muséum du Jardin Public de Bordeaux autour de la bannière « Biodiversité : bientôt plus que dans les musées ? » et de panneaux rappelant l’ampleur de la chute de la biodiversité. Pour insister sur l’articulation entre les constats globaux et les luttes locales, trois militant.es engagées dans des collectifs de la région ont pris la parole : un militant des Naturalistes des Terres, une militante d’Alerte Pesticides Haute Gironde et une militante engagée contre la construction de deux lignes de train à grande vitesse au départ de Bordeaux. Ils et elles ont rappelé le fait que les pesticides sont des sources de problèmes de santé humaine et environnementale, et la forte empreinte sur des milieux fragiles des projets de ligne à grande vitesse.

Le groupe s’est ensuite élancé vers la Place Tourny en occupant la chaussée. Tout au long de cette déambulation, des tracts ont été distribués afin de partager les faits scientifiques avec le grand public : plus d’1 million d’espèces en danger d’extinction dans les prochaines décennies, effondrement de 80% des populations d’insectes en 30 ans, perte de 30% des populations d’oiseaux agricoles en 30 ans, 1 espèce végétale sur 5 menacée d’extinction.

Afin d’illustrer les causes de destruction de la biodiversité par des exemples très concrets, le groupe s’est ensuite dirigé vers deux lieux institutionnels symboliques. Tout d’abord, devant l’École du Vin du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), le groupe a déployé une seconde banderole « Une agriculture sans pesticides est possible ». Le résumé du rapport de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) de 2021 a été déposé en vue d’être remis au président du CIVB pour lui rappeler l’effet de l’usage des pesticides chimiques de synthèse sur la santé humaine. En Gironde, la viticulture est à l’origine de l’épandage de pesticides le plus important des activités agricoles. La vigne, culture d’exportation, comme ailleurs la banane, cause pollution des sols et morts de viticulteurs et de riverains suite aux cancers produits. Une militante de Alerte Pesticides Haute Gironde est venue témoigner des derniers résultats de la recherche sur le lien entre cancers pédiatriques et épandage de pesticides.

Le groupe s’est enfin dirigé vers l’Hôtel de Région où le message « LGV STOP ECOCIDE ! » a été déployé. Le résumé du rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), ainsi qu’un article rappelant les chiffres exacts d’artificialisation des sols des projets de ligne à grande vitesse ont été délivrés. Le plus grand projet d’infrastructures pour les 10 prochaines années en Gironde est en effet sur les rails : le GPSO (Grand Projet du Sud Ouest), qui consiste en la construction de deux nouvelles lignes à grande vitesse, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax. Une militante anti-GPSO a rappelé les effets potentiels de ce grand projet, qui traverserait 8 sites Natura 2000, dont la vallée du Ciron. Cette dernière abrite une biodiversité exceptionnelle associée à une hêtraie multimillénaire dans un microclimat de ripisylve. Au cours de cette action, la parole a également été donnée à un Naturaliste des Terres, engagé dans des actions visant à mettre en déroute de nombreux projets écocides.

Pendant que la COP 28 consacrée à la situation climatique s’ouvre à Dubaï, cette action visait à attirer l’attention sur la situation globale de la biodiversité, traitée dans une COP indépendante, alors que le réchauffement climatique et la chute de la biodiversité ont des origines communes systémiques : l’extractivisme, le mythe de la croissance infinie, etc... D’où l’appel à un « décloisonnement entre urgence climatique et urgence écologique » lancé ce vendredi lors de la prise de parole de Stéphanie Mariette, membre de Scientifiques en rébellion. Les scientifiques ne souhaitent plus être les témoins impuissants de cette destruction, accumulant les données sur les espèces et leur diversité. Pour elles et eux, l’avenir de la biodiversité ne doit pas être des collections épinglées dans les musées. Cependant, fidèles à la posture que le collectif souhaite adopter (« ni conseillers du prince, ni au service des pouvoirs technologiques et industriels, ils et elles apportent leurs méthodes et leurs compétences au service du commun »), les scientifiques souhaitent contribuer à mettre en débat notamment le modèle agricole actuel et les grands projets d’infrastructure, à l’échelle où le sentiment d’impuissance peut être contré, c’est-à-dire à l’échelle locale.


Informations générales sur la chute de la biodiversité

Les causes de la destruction de la biodiversité sont connues. Entre autres, l’artificialisation des sols et le changement d’utilisation des sols diminuent partout la taille des habitats des espèces et fragmentent le paysage, empêchant la continuité écologique et la migration naturelle des individus. Ensuite, la pollution, et en particulier l’utilisation massive de pesticides dans l’agriculture, menace désormais la santé humaine et celle des écosystèmes. 70 000 tonnes de pesticides sont utilisées par an en France. Ces pesticides mettent en danger la santé des agriculteurs.trices et de la population. Ils accroissent la fréquence de nombreuses maladies : Parkinson, cancers (y compris chez les enfants vivant à proximité de zones densément cultivées en vignes). Le changement climatique en cours sera un facteur aggravant. D’après la synthèse récente de la Fondation Pour la Recherche sur la Biodiversité, « les liens entre biodiversité et climat sont faits de rétroactions respectives : la perte de biodiversité aggrave le changement climatique qui en retour dégrade la biodiversité qui perd ses facultés de réagir au changement climatique. Par exemple : la pression de sélection sur les espèces, entrainée par le changement climatique va réduire leur diversité génétique et ainsi leurs facultés d’adaptation à d’autres fluctuations de leur environnement. »

Cependant, les mesures favorables à la biodiversité peuvent potentiellement l’être également pour le climat : lutter contre la déforestation et à la dégradation des forêts pour permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de même que préserver la biodiversité et les écosystèmes non forestiers riches en carbone sur terre et en mer ; restaurer des écosystèmes dégradés, tels que les zones humides qui sont des puits de carbone efficaces, des écosystèmes de prévention des inondations et des foyers de biodiversité ; valoriser des pratiques agricoles, forestières et de pêche respectueuses du climat et de la biodiversité, changer les habitudes alimentaires pour réduire la pression sur les terres et notamment réduire fortement l’élevage afin d’orienter les cultures vers la production de protéines végétales pour les humains ; rediriger l’ensemble des aides vers le développement de l’agroécologie et l’agriculture biologique afin de pouvoir réduire drastiquement l’utilisation des pesticides ; et enfin stopper les grands projets d’infrastructure alors que la France est déjà largement équipée en routes, autoroutes et lignes à grande vitesse.

Photos

Des photos sont disponibles sur un dossier partagé ici, que vous pouvez réutiliser librement, avec crédit photos « Scientifiques en rébellion ».

Références :

Expertises collectives :