Deux procès historiques en France et en Allemagne : les Scientifiques en rébellion défendront la nécessaire transition écologique et la science dans un contexte de répression accrue
Les attaques contre l’écologie et les sciences du climat se multiplient à travers le monde. Malgré leurs discours, les États européens sont loin d’être des modèles. Pour alerter sur la gravité de la crise environnementale, des scientifiques mènent des actions de désobéissance civile non violente. Et se retrouvent parfois en procès pour cela. En ce mois d’octobre, à l’approche de la COP30 et des dix ans de l’Accord de Paris, ce sera le cas pour 10 d’entre elles et eux lors de deux procès qui se tiendront en France et en Allemagne. Les scientifiques en rébellion défileront lors de la marche « Climat, Justice, Liberté » du 28 septembre prochain en soutien aux inculpé·es.
Dans la soirée du 9 au 10 avril 2022, une trentaine de scientifiques et militant·es d’Extinction Rebellion s’installaient dans une galerie du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), à Paris, pour alerter, sans violence ni dégradation ni gêne pour le public, sur l’effondrement de la biodiversité et la crise climatique au travers d’une conférence-occupation intitulée « La nuit de l’Extinction ». En octobre de la même année, plusieurs dizaines de scientifiques de France et d’autres pays menaient une série d’actions de désobéissance civile non-violente à Berlin et Munich pour dénoncer le manque de mesures pour lutter contre le changement climatique. Ils et elles se sont notamment collé les mains à une voiture de luxe dans un salon d’exposition de BMW et introduit·es dans les locaux du fonds d’investissement BlackRock. Trois ans plus tard, deux procès se tiendront à quelques jours d’écart en France et en Allemagne, témoignant de la poursuite de la répression à l’encontre de ces lanceurs et lanceuses d’alerte climatique.
Le procès en France se tiendra devant la Cour d’appel de Paris le 10 octobre contre quatre scientifiques et militant·es. Il fait suite à une relaxe en première instance au nom de l’état de nécessité. Le juge avait reconnu « l’imminence et l’actualité » de la menace ainsi que la proportionnalité entre l’action de désobéissance civile, qui n’avait occasionné aucun dégât matériel, et sa finalité. Pourtant, le parquet a fait appel de cette décision, comme il l’avait fait lors de précédentes décisions similaires (e.g. le décrochage des portraits d’Emmanuel Macron à Lyon, l’action d’Extinction Rebellion dénonçant l’agroindustrie à La Rochelle ou le blocage du port du Havre par des militant·es et des scientifiques). Si la Cour d’appel de Paris confirmait le jugement de première instance, à savoir la relaxe pour état de nécessité, comme le plaidera l’avocat des prévenue·es Me Thomas Brédillard, il s’agirait d’une décision historique en France : jusqu’à aujourd’hui, les relaxes ont été prononcées au nom de la liberté d’expression.
Le procès en Allemagne se tiendra au tribunal de district de Munich le 7 octobre contre six scientifiques français·es. Le procureur a requis au printemps 2024 des amendes individuelles allant jusqu’à 12 800 euros, pouvant être commuées en 5 mois de prison. Ces peines sont particulièrement sévères, et viennent s’ajouter aux six jours de détention préventive déjà subis à la suite de l’action. Les prévenu·es ont refusé de conclure un accord de réduction de peine, dénonçant l’estimation démesurée des dommages et intérêts demandés par BMW, qui s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros alors que les scientifiques avaient utilisé de la mélasse et de la colle facilement lavables.
Les avocat·es allemand·es des scientifiques, appuyé·es par des avocat·es français·es (Mes Vincent Brengarth, Sarra Dajean et Églantine Roland), plaideront la relaxe au nom de l’état de nécessité et la liberté d’expression. Défendre devant un tribunal la finalité et les modalités d’action est un exercice très différent de l’écriture d’articles scientifiques ou de tribunes. Ces actions et les procès qui en découlent sont pensés pour stimuler les sursauts sociétaux nécessaires et renforcer l’action d’autres collectifs. Tous deux mettent en lumière les blocages systémiques : dans le cas de l’action de Munich, les secteurs de l’automobile et de la finance.
Cet acharnement judiciaire contre des scientifiques ayant mené des actions essentiellement symboliques dans deux pays européens illustre une dynamique dangereuse plus large dénoncée par le rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs et défenseuses de l’environnement Michel Forst. Dans son rapport publié le 28 février 2024 intitulé « Répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementales : une menace majeure pour les droits humains et la démocratie », il préconise aux États de veiller à ce que les décisions de justice ne contribuent pas à restreindre la liberté d’expression. Ce 3 juillet dernier, dans son rapport « Attaqué·es pour avoir défendu la planète », Amnesty International dénonçait la montée des pratiques autoritaires envers les défenseuses et défenseurs de l’environnement partout dans le monde, à rebours de l’urgence, des attentes de la population et des libertés individuelles nécessaires à l’État de droit. Face aux multiples attaques contre la science et les mobilisations écologistes, Scientifiques en rébellion mobilisera tous les recours juridiques nécessaires pour que les lanceurs et lanceuses d’alerte de la crise environnementale ne soient pas bâillonné·es en Europe. Le 28 septembre prochain, en participant aux marches « Climat, Justice, Liberté » au côté de nos collègues poursuivi·es, nous continuerons à affirmer haut et fort nos positions.