2024-06-14

Des scientifiques à nouveau en procès pour avoir alerté sur la crise écologique

Scientifiques en rébellion & Extinction Rebellion

Le 17 juin, 4 scientifiques et activistes seront en procès à Paris pour avoir alerté sur la crise écologique au cours d’une conférence-occupation au Muséum national d’histoire naturelle dans la soirée du 9 au 10 avril 2022. Ce procès se tiendra alors que 8 personnes ont déjà été relaxées pour les mêmes faits le 15 janvier dernier. L’action d’avril 2022 pour laquelle scientifiques et activistes sont poursuivi·es est issue d’une collaboration entre Scientifiques en rébellion et Extinction Rebellion (XR). Elle se tenait symboliquement dans la galerie des fossiles du Muséum. Ce fut la première action de désobéissance civile organisée par des scientifiques en France.

Conférence-occupation au Muséum national d’histoire naturelle, avril 2022.

Le 17 juin 2024 dans la matinée, 4 scientifiques et activistes de Scientifiques en rébellion et Extinction Rebellion passeront en procès devant le Tribunal de police de Paris suite à une action réalisée en avril 2022 pour alerter sur les conséquences de l’inaction climatique du gouvernement. Les personnes poursuivies contestent les amendes de 5e classe qui leur avaient été infligées dans un premier jugement pour être resté·es après l’horaire de fermeture du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) à Paris.

Un premier procès s’était tenu devant le même tribunal le 30 novembre à l’encontre de 8 autres scientifiques et activistes ayant participé à l’action. Le jugement avait été mis en délibéré, et tou.tes avaient bénéficié d’une décision de relaxe le 15 janvier 2024. Lors de l’audience, trois personnalités scientifiques étaient alors venues témoigner de la légitimité de cette action : Pierre-Henri Gouyon (biologiste, Muséum national d’histoire naturelle), Christophe Bonneuil (historien des sciences, CNRS) et Fabrice Flipo (philosophe des sciences, Institut Mines Telecom). Une lettre de la climatologue et ancienne co-présidente du groupe 1 du Giec Valérie Masson-Delmotte avait été préalablement jointe au dossier.

Conformément aux réquisitions du parquet, le tribunal avait annulé les amendes de 5e classe car l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée. En revanche, ni l’état de nécessité, ni la liberté d’expression, qui avaient été invoqués par la défense, n’avaient été retenus. Il s’agit néanmoins d’une victoire judiciaire pour le collectif Scientifiques en rébellion, issu de l’appel de 1000 scientifiques à la désobéissance civile publié dans le journal Le Monde en février 2020, et dont c’était le premier procès. Comme le clamait une banderole lors de la conférence-occupation, « Dire la vérité n’est pas un crime » !

Comme le précédent, ce procès sera l’occasion pour les accusé·es de défendre la légitimité de leur action au regard de l’urgence climatique et de la perspective de la sixième extinction de masse. Pour leur défense, ils et elles invoqueront à nouveau l’état de nécessité en raison du danger actuel et imminent qui pèse sur le vivant tel que démontré notamment par les travaux du Giec et de l’IPBES. Les mêmes personnalités que lors de la première audience déposeront des témoignages écrits.

La soirée du 9 au 10 avril 2022, en pleine campagne pour les élections présidentielles, une trentaine de scientifiques ont occupé la galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du Muséum national d’histoire naturelle. Entouré·es de fossiles en allégorie aux risques existentiels qui pèsent sur notre espèce et sur tout le vivant, des scientifiques de spécialités variées (océanographie, écologie, agronomie, biologie, infectiologie, informatique et histoire) ont réalisé une douzaine de présentations illustrant les mesures urgentes, radicales et nécessaires qui doivent être prises afin de limiter les conséquences des crises climatique et écologique en cours et à venir.

La vidéo complète des conférences est disponible ici et des images ici.

Il s’agissait de la première action organisée en France par le collectif Scientifiques en rébellion, issu de l’appel de 1000 scientifiques à la désobéissance civile publié dans le journal Le Monde en février 2020. Elle était organisée conjointement par Extinction Rebellion (XR) et Scientifiques en rébellion, dans le cadre d’une campagne internationale de Scientist Rebellion. L’action annonçait également la campagne d’XR qui allait suivre avec, notamment, l’occupation d’une partie des Grands Boulevards pendant le week-end du 16 avril.

Les participant·es ont quitté les lieux dans le calme à l’issue des présentations scientifiques, sans avoir créé aucun dégât matériel à ce lieu symbolique. Pourtant, elles et ils sont aujourd’hui poursuivi·es en justice. Alors que l’État français a été condamné par le Conseil d’État pour inaction climatique et que le gouvernement ne prend toujours pas de mesures exigées par la justice, ce sont les scientifiques qui sont inquiété·es pour avoir joué leur rôle de lanceurs et lanceuses d’alerte. L’histoire retiendra qu’en plein « effondrement climatique » (selon les mots du Secrétaire général de l’ONU), la France était plus occupée à poursuivre les scientifiques qu’à prendre des mesures à la hauteur de l’urgence.

Ce n’est pas la première fois que des scientifiques français·es font face à une répression judiciaire pour des actions de désobéissance civile. En novembre 2022, 16 scientifiques (dont 4 Français) ont été emprisonné·es pendant une semaine en Allemagne pour s’être collé les mains à des automobiles de luxe dans un showroom BMW à Munich, dans le cadre d’une campagne internationale de Scientist Rebellion. Une tribune de soutien sur France TV Info avait alors été signée par 1300 scientifiques. Leur procès s’est ouvert le 5 mars 2024, et a été ajourné à l’automne 2024 ou au printemps 2025 (plus d’informations ici).

En France, en octobre 2021, un astrophysicien a été poursuivi avec six autres activistes pour s’être introduit sur le tarmac de l’aéroport de Roissy afin de dénoncer le caractère climaticide de l’extension du terminal 4, une action à laquelle participaient d’autres membres de Scientifiques en rébellion. Une tribune de soutien parue dans Reporterre avait recueilli près de 300 soutiens.

La répression des scientifiques n’est qu’une illustration de la stratégie de criminalisation des mouvements sociaux et notamment des mouvements écologistes par le gouvernement, qui frappe aussi bien les actions de désobéissance civile que les manifestations, et qui a été dénoncée par le rapporteur spécial de l’ONU Michel Forst. Pourtant, des activistes ont récemment été relaxés par la justice pour état de nécessité, illustrant la légitimité de ces actions. Au cours du mois du juin, deux autres procès se tiendront contre des militant·es d’Extinction Rebellion, suite à des actions contre l’entreprise chimique Arkema et devant le ministère de l’Écologie.