2023-10-04

Autoroute A69 : l’opposition au projet grandit parmi les scientifiques

Plus de 1500 scientifiques, dont plusieurs co-auteur·es du GIEC, signent une lettre ouverte à Emmanuel Macron demandant l’arrêt des travaux de l’autoroute A69.

Dans une lettre ouverte publiée dans L’Obs le mercredi 4 octobre, plus de 1500 scientifiques, dont plusieurs co-auteur·es du GIEC, membres du Haut Conseil pour le Climat et membres de l'Académie des Sciences, réclament l’arrêt des travaux de l’A69. Cette lettre, initiée par le collectif Scientifiques en rébellion, arrive au cœur d’une forte mobilisation des citoyen·nes et des scientifiques autour de ce projet. Après le collectif scientifique toulousain Atécopol, qui a rendu public son rejet unanime du projet le 24 septembre, ce sont aujourd’hui des scientifiques de tout le pays qui se manifestent. Alors qu’on pourrait se demander pourquoi des scientifiques se mobilisent autour d’un projet d’autoroute, ils et elles précisent qu’« en nous opposant au chantier de l’A69, ce n’est pas seulement à ce projet particulier que nous appelons à mettre fin, mais à travers lui aux diverses politiques publiques héritées d’un passé qui nous a conduit dans l’impasse écologique actuelle ».

Dans leur lettre, les scientifiques tiennent à rappeler qu’ils et elles ne sont pas contre toute construction, et que « face à l’urgence écologique », il reste nécessaire « de bâtir, de rénover, d’installer de nouvelles infrastructures, et de développer la production et l’utilisation d’énergies renouvelables ». Pour autant, les signataires jugent que, sans une politique de sobriété, ces mesures seront insuffisantes et pourraient même devenir contre-productives par une augmentation des usages. Les scientifiques estiment ainsi que le respect des engagements internationaux de la France en matière climatique et de biodiversité nécessite de la sobriété et de renoncer à certaines choses comme « à la prédominance de la voiture individuelle, au tourisme de masse, à la surconsommation, à une alimentation trop carnée, et dès à présent à tout nouveau projet d’exploitation d’énergies fossiles ».

Les scientifiques jugent que l’A69 est un de ces projets auxquels il faut renoncer, parce qu’il est à la fois injustifié et délétère sur le plan climatique, environnemental et social.

Selon les signataires, « ni l’intensité du trafic, ni les gains de temps envisagés sur le trajet Toulouse-Castres ne justifient la construction d’une autoroute ». Les signataires plaident plutôt plutôt pour une limitation de la vitesse maximale sur autoroute à 110 km/h, ce qui ferait perdre l’intérêt en gain de temps de l’A69. L’argument du désenclavement, souvent mis en avant par les politiques soutenant le projet, est également contesté : « les recherches montrent clairement que le lien entre infrastructures autoroutières et développement n’est pas automatique, et peut être négatif », notamment pour les villes moyennes que l’on voulait ainsi desservir.

Sur le plan social, l’autoroute A69 serait l’une des plus chères de France, excluant ainsi son utilisation par les plus modestes. Pire, les déplacements de ces personnes seraient rendus plus difficiles en raison de la privatisation d’une partie des aménagements existants.

Les signataires rappellent les principaux impacts négatifs de cette autoroute comme les émissions de gaz à effet de serre, la destruction d’écosystèmes et la perte de terres agricoles, soulignant que la majeure partie de ces impacts peut encore être évitée : « Il n’est pas trop tard. [...] Arrêter maintenant, c’est limiter grandement le nombre d’arbres anciens coupés, de surfaces agricoles fertiles définitivement perdues, de zones humides terrassées et asphaltées. Arrêter maintenant, c’est éviter les émissions de CO2 associées à la construction de l’infrastructure, et celles causées tous les ans par un trafic à plus grande vitesse. […] Arrêter maintenant serait une marque de sagesse, de vision et de responsabilité face au défi que nous devons collectivement relever ».

La compensation écologique, mise en avant par le Ministre chargé des Transports lors de ses annonces du 26 septembre, fait également l’objet de sévères critiques de la part des scientifiques : « le principe même de la compensation écologique est largement contesté dans la littérature scientifique. Notamment, des arbres centenaires et des écosystèmes ne sont pas remplaçables par des plantations plus jeunes ou la protection d’autres zones ». Les signataires rappellent que la priorité doit être donnée à l’évitement des impacts, plutôt qu’à une illusoire tentative de compensation. Ils et elles soulignent qu’un projet d’aménagement alternatif à partir de la route nationale existante a été présenté par le collectif « La Voie Est Libre ».

Les scientifiques rappellent également que des citoyen·nes ont décidé de mettre leur liberté ou leur vie en jeu pour s’opposer au projet d’autoroute parce qu’il contrevient directement aux idéaux humanistes, une allusion au fait que Thomas Brail, le fondateur du Groupe National de Surveillance des Arbres, a entamé une grève de la faim depuis 34 jours, depuis rejoint par d’autres citoyen·nes.

Ils et elles concluent en demandant au Président de démontrer qu’il a entendu les alertes des scientifiques, et pris la mesure des transformations profondes qu’il faut apporter aux manières de conduire l’aménagement du territoire : « nous comptons donc sur votre lucidité, votre courage et votre détermination à préserver l’habitabilité de notre planète et de notre pays pour toutes et tous ».

Cette lettre ouverte intervient alors qu’une rencontre a eu lieu le 3 octobre à Paris entre les opposant·es au projet, Carole Delga et des représentants du ministère des transports, dans l’objectif de mettre en place un processus de médiation. Carole Delga se serait engagée à donner une réponse dans un délai de 24h, réponse qui pourrait mettre fin aux grèves de la faim et permettre le début de la médiation.