procès 2025-12-01

Scientifiques en rébellion soutient Jérôme Guilet, en procès pour avoir envahi un tarmac

Le 1er décembre, des membres du collectif Scientifiques en rébellion se sont rassemblé·es devant le Palais de Justice de Paris pour apporter leur soutien à leur collègue Jérôme Guilet, en procès pour avoir envahi un tarmac d’aéroport en 2020 pour dénoncer la croissance du trafic aérien. Une membre du collectif a pris la parole et rappelé la trajectoire insoutenable de l’industrie aéronautique et remercié Jérôme d’avoir fait le choix d’incarner les constats scientifiques en s’exposant juridiquement et physiquement sur le terrain. Le prévenu et ses six co-accusé·es risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 18 000 euros d’amende ». Le procès pourrait durer jusqu’à mercredi.

Rassemblement devant le Palais de Justice en soutien aux inculpée·es, 1er décembre 2025. © Benoit Dérouet

Lors de sa déclaration au cours du procès, Jérôme Guilet a déclaré : « Malgré les alertes des scientifiques, nous n’avons toujours pas engagé de transformation sérieuse de nos modes d’organisation et de nos modes de vie. Le progrès scientifique et technique est même souvent utilisé pour justifier ce statu quo en le présentant de façon fallacieuse comme une façon de résoudre la crise écologique. L’aviation en est un cas emblématique avec la mise en avant récurrente de l’avion à hydrogène ou électrique pour éviter la remise en question de la trajectoire actuelle de croissance. Cet argumentaire ne reflète absolument pas l’état actuel de nos connaissances. S’il existe un jour, l’avion à hydrogène ne suffira pas à résoudre le problème des émissions du secteur aérien notamment car il arrivera trop tard et nécessitera des quantités énormes d'électricité bas-carbone que nous sommes loin de pouvoir actuellement produire. Sa mise en avant répétée relève en fait d’une forme d’instrumentalisation de la recherche scientifique. Face à cela, en tant que scientifique, je suis convaincu que la neutralité n’est plus une option car elle reviendrait à cautionner cette utilisation néfaste de la science. Mes collègues du collectif Scientifiques en rébellion et moi-même considérons donc qu’il est de notre devoir de la dénoncer clairement et de nous opposer activement aux projets climaticides justifiés de la sorte. C’est pour cette raison que j’ai fait partie des cent activistes qui se sont rendus sur le tarmac de l’aéroport de Roissy et que j’y ai fait une prise de parole au nom du collectif Scientifiques en rébellion. Les faits scientifiques sont clairs : une augmentation du trafic aérien est incompatible avec la réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre nécessaire pour que le secteur aérien fasse sa part pour respecter l’accord de Paris. Dans ces conditions, le projet de construction du terminal 4 était d’une incroyable irresponsabilité. Il aurait entrainé une augmentation de 50% du trafic de Roissy, et aurait causé l’émission de 15 à 20 millions de tonnes de CO2 équivalents par an. Ces émissions contribuent à l’aggravation du changement climatique, ce qui est très grave mais peut paraître abstrait. Il est donc important de se rappeler que ce sont beaucoup de vies humaines qui sont en jeu. Bien qu’il soit difficile de quantifier le nombre de morts causées par le changement climatique, plusieurs études convergent vers l’estimation que l’émission de 4 000 tonnes de CO2 équivalent provoquera la mort d’une personne d’ici la fin du siècle. Ce chiffre signifie que chaque année d’utilisation du terminal 4 aurait été responsable d’environ 4 000 morts. Utilisé sur quelques décennies ce sont donc plus de 100 000 vies humaines qui étaient en jeu. Pour que nos discours soient crédibles, il faut que nos actes soient à la mesure de la gravité de ce que nous dénonçons. Quand l’enjeu est aussi important, que la sensibilisation, le dialogue, le discours rationnel, le plaidoyer politique, les pétitions, les manifestations n’ont pas fait bouger les lignes, alors il devient nécessaire d’aller plus loin et de faire des actions de désobéissance civile. Je ne fais pas ces actions en tant que citoyen isolé mais en tant que scientifique et membre du collectif Scientifiques en rébellion. »

Le 3 octobre 2020, Jérôme Guilet avait participé à la « marche sur les aéroports », organisée dans toute la France. Il avait fait partie de l’équipe ayant fait irruption sur le tarmac de Roissy-CDG pour dénoncer l’absurdité du projet d’extension du terminal 4, et plus largement pour inviter à remettre en question un secteur dont les prévisions de croissance sont incompatibles avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour cette dernière action, Jérôme Guilet est en procès avec six autres activistes. Ils et elles sont poursuivis pour « troubles au fonctionnement des immeubles ou installations destinés à assurer le contrôle de la circulation des aéronefs […] » et risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 18 000 euros d’amende. En 2021, des centaines de scientifiques avaient signé une tribune pour apporter leur soutien à leur collègue.

Le samedi 3 octobre 2020, des militant·es se sont introduit·es sur le tarmac de l’aéroport de Roissy. - © Alternatiba