procèsaviation 2025-12-04

Procès pour avoir envahi le tarmac de Roissy : des amendes et peines de prison avec sursis requises

Après deux jours d’audience, des amendes et un mois de prison avec sursis ont été requis à l’encontre de Jérôme Guilet, membre de Scientifiques en rébellion, et de 6 activistes des mouvement citoyens Action Justice Climat Paris (ex-Alternatiba Paris) et Non au Terminal 4, poursuivis pour s’être introduit·es sur le tarmac de l’aéroport de Roissy. Un moment particulièrement marquant de l'audience a été la diffusion d’une vidéo de l’humoriste Swann Périssé publiée en ligne le jour même : celle-ci répondait directement au parquet qui, lundi, avait utilisé son nom et son mode d’engagement contre les activistes. Le verdict est mis en délibéré et sera rendu le 16 mars 2026.

Au cours de la première journée d’audience, l’avocate générale a adopté une position particulièrement critique à l’égard de la désobéissance civile. Un échange soutenu s’est engagé pendant l’interrogatoire de Jérôme Guilet lorsqu’elle a cité l’exemple de l’humoriste Swann Périssé. Celle-ci a été présentée comme une figure de sensibilisation ayant adopté un mode de vie sobre et dont la visibilité sur les réseaux sociaux démontrerait l’inutilité et l’inefficacité de la désobéissance civile, puisqu’ « elle est beaucoup plus connue que vous ». Jérôme Guilet a d’abord rappelé l’existence de travaux académiques mesurant l’efficacité de la désobéissance civile dans l’histoire des mobilisations sociales. Alertée par une des prévenues de cette utilisation de son image, Swann Perissé a ensuite publié en ligne mercredi 3 décembre une vidéo en réaction qui a été diffusée dans la salle d’audience et dont voici un verbatim : « Je fais une petite story pour vous répondre madame la procureure : je suis POUR la désobéissance civile. J'y ai consacré plus d'une heure de spectacle dans une interview spectacle que j'ai faite avec Camille Etienne. Désobéir dans un contexte de crise climatique et de crise sociale, c'est légitime et c'est nécessaire. [...] C'est pas parce que je suis hilarante et sexy que tout le monde doit lutter en étant hilarant et sexy : heureusement qu'il y a des gens qui se bougent les fesses pour aller sur des [tarmacs], je suis pour la complémentarité des luttes. J'affirme tout mon soutien aux 7 activistes du procès qui ont fait ça de façon totalement pacifique, il faut du courage pour désobéir : force ! »

La réquisition de l'avocate générale a ensuite confirmé l'impression d’acharnement aveugle à l’encontre des activistes. Les prévenus sont poursuivis sur la base d’un article de loi initialement prévu pour lutter contre le terrorisme — une qualification qui n’a aucun rapport avec la nature de leur action. Lors du premier procès, il avait déjà été établi qu’aucun trouble aux installations aéroportuaires, telles que la tour de contrôle, n’avait été commis. Le parquet tente désormais de requalifier les faits en « tentative d’entrave à un aéronef ». Pourtant, l’action était strictement symbolique : les activistes se sont limités aux zones de parking, sans jamais approcher d’avions en mouvement, d’autant qu’en pleine période de Covid le trafic était presque inexistant. Preuve supplémentaire que la loi citée ne s’applique pas à ce type d’action : un an plus tard, les députés ont jugé nécessaire de voter un nouvel article de loi spécifiquement destiné à réprimer les intrusions d’activistes dans les aéroports. L’avocate générale a également requis la condamnation de deux activistes pour des dégradations… alors même que ces derniers n’ont rien dégradé, ce qui avait pourtant été reconnu par le parquet de première instance.

Après les témoignages sur la première journée d’audience de deux témoins scientifiques (la climatologue Elisabeth Michel, et Florian Simatos spécialiste de l’impact environnemental de l’aviation), la deuxième journée d’audience a été marquée par deux témoignages poignants : Anthony Viaux, ancien pilote de ligne reconverti, a expliqué comment son métier l’a placé en première ligne pour constater les conséquences du changement climatique sur la fonte des glaciers ou du Groenland ou l'augmentation d'événements extrêmes. Il expliqué son choix de se reconvertir par son refus d'être une partie du problème. Françoise Brochot a ensuite témoigné en tant que présidente de l'advocnar, association de riverains luttant contre les nuisances aériennes. Elle a témoigné de l'immense désespoir des citoyens prenant contact avec son association, pour qui la pollution sonore représente un harcèlement permanent, jour et nuit, pouvant aller jusqu'à provoquer des troubles dépressifs. Elle a aussi témoigné de l'absence de prise en compte de ce problème par les pouvoirs publics, qui continuent d'autoriser une augmentation des vols de nuit.

Enfin, les plaidoiries des avocats de la défense sont venues rappeler que les vrais coupables sont ceux qui défendent des projets climaticides. Chloé Saynac a ainsi comparé la volonté du parquet de condamner des activistes pour des dégradations à une situation où le procès de Guy Georges tournerait autour de la dégradation de sa chemise lors de son interpellation. Alexis Baudin a ensuite fait la démonstration juridique de l'état de nécessité dans lequel se trouvaient les activistes de faire cette action afin d’éviter un dommage bien plus grand.

Rassemblement devant le Palais de Justice en soutien aux inculpée·es, 1er décembre 2025. © Benoit Dérouet

Le 3 octobre 2020, 350 activistes ont protesté à Roissy contre le projet d’extension de l’aéroport, dont 135 directement sur le tarmac, dans le cadre de la « marche sur les aéroports », organisée dans toute la France. Jérôme Guilet avait fait partie de l’équipe ayant fait irruption sur le tarmac pour dénoncer l’absurdité du projet de terminal 4, et plus largement pour inviter à remettre en question un secteur dont les prévisions de croissance sont incompatibles avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Un premier procès en octobre 2021 avait abouti à la relaxe des activistes poursuivis, décision contestée par le procureur qui a fait appel. En février 2021, le gouvernement a abandonné le projet de terminal 4, le jugeant incompatible avec sa politique environnementale. ADP porte aujourd’hui un nouveau projet d’extension visant une augmentation du traffic. Une trentaine d’organisations contestent cette nouvelle extension et ont lancé une pétition, dénonçant la poursuite par l’État de projets contraires aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris.

Le samedi 3 octobre 2020, des militant·es se sont introduit·es sur le tarmac de l’aéroport de Roissy. - © Alternatiba