2022-11-10

Les Scientifiques en rébellion devant le siège de Dassault réclament l’interdiction des jets privés. Des actions partout dans le monde.

Le collectif Scientist Rebellion a organisé jeudi 10 novembre une journée internationale d’actions contre les jets privés cordonnée dans 11 pays. 30 militant·es de sa branche française Scientifiques en rébellion, en collaboration avec Extinction Rebellion, ont participé à cette journée avec une action à Paris devant le siège de Dassault Aviation, troisième fabricant mondial de jets privés avec les fameux Falcon, sur le Rond-Point des Champs-Élysées dans le 8e arrondissement. Parmi les scientifiques mobilisés, se trouvaient plusieurs personnes ayant été incarcérées suite à des actions de désobéissance civile en Allemagne il y a quelques jours.

D’autres actions ont été menées simultanément dans 11 pays : États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, Suède, Allemagne, Belgique, Norvège, Portugal et Australie. Un communiqué de presse international sera publié ultérieurement. Une première action avait déjà eu lieu le week-end dernier à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam, où des centaines d’activistes ont été arrêté·es pour s’être introduit·es sur le tarmac (parfois à vélo), bloquant les décollages de jets privés pendant plus de 6 heures.

À Paris, les scientifiques, habillés de blouses blanches siglées Scientist Rebellion, ont déployé trois banderoles reprenant les revendications de la campagne internationale menée intitulée Make Them Pay : interdire les jets privés ; taxer les grands voleurs ; faire payer les ultrariches pollueurs. Dénonçant plus particulièrement le rôle irresponsable de Dassault Aviation dans la promotion de l’aviation d’affaires, ils/elles portaient aussi des pancartes « Dassault Falcon : l’avion des criminels climatiques » et « Dassault Falcon : l’avion de l’injustice climatique » et scandaient « Dassault Falcon, criminel climatique ; État Français complice de l’injustice » ainsi que « Sobriété pour les lobbies, les jets privés doivent être taxés ». Ces phrases sonnent d’autant plus juste que Politico a récemment mis en évidence des liens étroits et problématiques entre le gouvernement français et le groupe Dassault, ce dernier étant propriétaire du logement de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. Cela vient s’ajouter aux révélations de fraude fiscale organisée par Dassault Aviation pour éviter à ses riches clients de payer des taxes.

Parallèlement, les participant·es ont recouvert les grilles dorées de l’hôtel particulier abritant le siège du groupe Dassault de reproductions d’articles scientifiques traitant de l’impact environnemental de l’aviation. Symboliquement, les membres de Scientifiques en rebellion et d’Extinction Rebellion ont ensuite plié ces articles scientifiques pour en faire des avions en papier, et les ont propulsés dans la cour de l’hôtel particulier.

Cinq scientifiques ont pris la parole durant l’action.

Élie Oriol, doctorant en physique, a déclaré : « Pour agir, ce n’est malheureusement pas de science que nous manquons. C’est un problème de volonté politique. Certaines et certains de nos aîné·es, au cours de leurs carrières, ont vainement essayé de faire prendre conscience à nos gouvernants de l’urgence de tous ces sujets. Jeune scientifique, moi aussi j’aimerais faire de la science comme mes aîné·es, pour aider le monde à évoluer dans la bonne direction. Mais comment espérer encore aujourd’hui que ce serait suffisant ? Une fois fait le constat de cette impuissance, nous ne voyons plus que la rébellion. »

Kaïna Privet, chercheuse en écologie à Rennes ayant participé aux actions en Allemagne, a déclaré : « Les jets privés sont 10 fois plus polluants que les avions commerciaux et 200 fois plus polluants que les trains grandes lignes français. En tant que scientifique, je suis particulièrement scandalisée par le greenwashing développé par Dassault Aviation, qui prétend promouvoir une aviation « durable ». ​​Leurs prétendus « carburants d’aviation durables » sont une escroquerie scientifique, leur utilisation à grande échelle consommerait bien trop de ressources. Ils utilisent cet argument pour justifier le fait qu’ils continuent à développer le secteur de l’aviation malgré l’urgence de la crise climatique à laquelle nous faisons face. Ils doivent être tenus pour responsables de cette crise et être taxés en conséquence. » ​​​​Une publicité pour le Falcon a notamment été jugée contraire à la déontologie publicitaire en 2021 car elle laissait entendre que cet avion était « vert » malgré son énorme impact sur l’environnement.

Jérôme Guilet, astrophysicien ayant passé 4 jours en prison en Allemagne début novembre pour s’être collé à une voiture de luxe dans un showroom BWM, et participant à l’action, a relevé que « l’État protège les vrais criminels climatiques en réprimant de plus en plus les scientifiques et citoyens qui lancent l’alerte par des actions non-violentes. ».

En dépit du caractère totalement pacifique de leur action, les participant·es ont été encerclé·es par une cinquantaine de membres des forces de l’ordre (principalement des BRAV-M) au bout d’une heure. Elles et ils ont subi un contrôle d’identité et ont reçu l’ordre de se disperser en prenant le métro.

Les émissions annuelles de gaz à effet de serre des jets privés représentent autour de 400 kt CO21, ce qui est énorme étant donné le nombre très restreint de personnes qui les utilisent et le service rendu. Surtout, cela sape tout espoir d’aller vers la sobriété en donnant le pire exemple qui soit et en donnant aux citoyen·nes le sentiment justifié que les efforts ne sont pas répartis équitablement.

Les jets privés sont en moyenne 10 fois plus polluants par passager que les avions commerciaux et 200 fois plus polluants que les trains grandes lignes français2. Un vol privé de quatre heures génère autant d’émissions qu’un·e européen·ne moyen·ne en un an. Entre 2005 et 2019, les émissions de GES liées aux jets privés ont augmenté de 31 % en Europe. La moitié des vols parcourent moins de 500 km et correspondent donc à des trajets qui sont maintenant interdits pour les liaisons commerciales (car prenant moins de 2h30).

Les villes les plus desservies (Nice fait partie des destinations les plus prisées) et l’augmentation du trafic en été indiquent bien que l’utilisation de ces jets privés est plus motivée par le plaisir que par les affaires, ce qui la rend d’autant plus inacceptable.

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1 D’après le rapport « Private jets : can the super rich supercharge zero-emission aviation? », les émissions de CO2 des jets privés au départ de la France représentent 400 kt CO2, à comparer avec les 436 MtCO2 des émissions territoriales

2 Les avions privés émettent 1300 gCO2 /passager.km contre 128 gCO2 /passager.km pour des avions commerciaux et 5,92 gCO2 / passager.km pour les trains grandes ligne en France, selon le même rapport.


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