Il ne faut pas construire de nouveau terminal méthanier flottant au Havre ! C’est une aberration écologique, sociale et économique
Le collectif Scientifiques en rébellion s’oppose à la construction au terminal méthanier flottant au Havre et s’associe pleinement aux actions de désobéissance civile non violente organisées par Greenpeace ce jour-même au Havre et ailleurs.
Cet été plus que jamais, les effets destructeurs du changement climatique se font faits sentir dramatiquement aux quatre coins du monde et aussi en France1. Mais le pire est à venir. Pour respecter l’accord de Paris et la trajectoire de diminution des gaz à effet de serre (GES) à laquelle la France s’est engagée, toute nouvelle construction d’infrastructure d’exploitation, transport et traitement d’énergies fossiles doit être suspendue non seulement en France mais aussi à travers le monde2.
Comme le charbon et le pétrole, le gaz naturel liquéfié est une énergie fossile. Les investissements dans de nouvelles infrastructures nous enferment dans une politique énergétique fortement émettrice de GES. Cela va frontalement à l’encontre des objectifs de neutralité carbone de la France à l’horizon 20503.
Les arguments pour justifier ce projet de terminal méthanier sont malhonnêtes.
D’abord parce que l’installation de ce terminal méthanier ne renforcera pas notre souveraineté énergétique. A contraire, elle accroît notre dépendance au gaz naturel liquéfié (GNL) étranger, en particulier au GNL russe, et se traduira essentiellement par le soutien actif à la filière américaine du gaz de schiste4. Comble de l’hypocrisie, les techniques de fracturation hydraulique utilisées outre-atlantique sont interdites en France et dans de nombreux pays européens en raison des effets toxiques sur la santé humaine, sur les sols et les ressources en eaux5.
En outre la construction de ce terminal méthanier ne répond en aucune manière à un besoin énergétique causé par la guerre en Ukraine et ne permet pas de s’affranchir du gaz russe, comme détaillé et documenté dans les deux rapports de Greenpeace, « Terminal méthanier flottant du Havre »6 et « Gaz, à qui profite la guerre »7. Poursuivant leur stratégie du chaos, les opérateurs d’énergies fossiles, et TotalEnergies en particulier, instrumentalisent la situation de crise exacerbée par la guerre en Ukraine pour augmenter leurs profits à court terme, au mépris de nos engagements politiques et de l’intérêt général8.
Enfin, ces décisions sont trop souvent, comme c’est le cas pour le terminal méthanier du Havre, prises de façon unilatérale, sans délibération démocratique et sous la pression de groupes comme TotalEnergie dont la stratégie se caractérise par une totale absence de considérations humaines et de principes éthiques et moraux9.
Pour limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C et préserver l’habitabilité de notre planète, il faut dès aujourd’hui réduire massivement nos émissions de CO2 et donc notre consommation d’énergie provenant des combustibles fossiles. Mais cela ne peut se faire en investissant dans des infrastructures obsolètes et suicidaires comme ce terminal méthanier. A la place, les investissements doivent prioritairement aller vers des projets soutenant la transition écologique et énergétique de notre pays. Plutôt que de suivre aveuglément les propositions malhonnêtes des lobbies du gaz et de la pétrochimie, nos gouvernants devraient écouter les sciences du climat et des écosystèmes.
Lorsque les puissances publiques et privées utilisent mensonges et manipulations pour imposer à l’ensemble des populations des décisions politiques néfastes et suicidaires, les scientifiques n’ont d’autre choix que rétablir les chiffres et vérités scientifiques. Il est donc de notre mission de diffuser nos connaissances et de les mobiliser, y compris par la désobéissance civile non-violente.
C’est pourquoi nous soutenons Greenpeace dans cette action de désobéissance civile non-violente. Nous attirons ainsi l’attention de nos concitoyens sur l’hérésie que constitue la construction du terminal méthanier du Havre et nous les appelons à résister aux injonctions manipulatrices et à s’opposer aux projets qui hypothèquent notre avenir.
Notes :
1. https://climate.copernicus.eu/summer-2023-hottest-record,
Guinaldo et al., Ocean Sci., 2023, https://doi.org/10.5194/os-19-629-2023,
Ribes et al., Earth Syst. Dynam., 2022,https://doi.org/10.5194/esd-13-1397-2022
2. Rapport GIEC, AR6, WGIII, Figure TS.8, section TS.3 / section TS.5
3. https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc
4. La France était en 2022, le principal importateur de GNL américain en Europe (en incluant le Royaume-Uni) avec 23,5% des importations totales (https://www.eia.gov/dnav/ng/NG_MOVE_EXPC_S1_M.htm)
5. https://psr.org/resources/fracking-compendium-8/
6. https://www.greenpeace.fr/rapport-terminal-methanier-du-havre/
7. https://www.greenpeace.fr/gaz-a-qui-profite-la-guerre/
8. Les opérateurs des énergies fossiles ont utilisé la « Stratégie du choc », concept développé par Naomi Klein dans son livre La Stratégie du choc : la montée d'un capitalisme du désastre (2007)
9. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0321_FR.pdf
Bonneuil et al., Global Environnement Change, 2021, https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2021.102386
https://www.nouvelobs.com/monde/20230420.OBS72379/les-eaux-noires-de-total-revelations-sur-des-pollutions-majeures-au-yemen.html