Des scientifiques en procès en Allemagne le 27 octobre pour avoir dénoncé l’inaction climatique
La troisième audience du procès de 6 Français·es membres de Scientifiques en rébellion s’est déroulée aujourd’hui 27 octobre au tribunal de district de Munich. L’audience a été levée une fois de plus sans qu’aucun verdict ne soit prononcé.
La journée d'audience a été marquée par de longues discussions sur l'expertise BMW, qui estime des dommages de plusieurs milliers d’euros sur la voiture d’exposition alors que les scientifiques avaient utilisé de la colle facilement lavable. Les avocat·es de la défense ont notamment contesté la méthode utilisée par l’expert et ont fait apparaître un possible conflit d’intérêts de ce dernier. Ils et elles ont fait la demande d’une contre-expertise, sur laquelle le juge n’a pas statué aujourd’hui. Le procureur a ensuite essayé de démontrer les charges de coercition en appelant à témoigner trois policiers et en visionnant les images de surveillance de l’action de la rue Brienner Straße, qui, à l’inverse, montraient qu’aucune voiture n’avait été bloquée. Les avocat·es de la défense ont donc demandé à ce que les charges de coercition soient levées. Aucun accord ni verdict n’ayant été conclu aujourd’hui, le procès continue. La prochaine audience se tiendra le 17 novembre.
Les activistes, ainsi que Scientifiques en rébellion, dénoncent la lenteur et le poids des poursuites judiciaires qui épuisent les personnes impliquées tout en ne permettant pas de débattre sereinement des vraies causes qui les ont amené·es à agir. Ils et elles dénoncent également les peines très sévères et disproportionnées demandées par la justice bavaroise, participant à la criminalisation des actions non-violentes qui visent à attirer l’attention sur l’urgence climatique et écologique. Face aux alertes de plus en plus fortes des scientifiques et de la société civile, la réponse des gouvernements ne doit pas être la répression, mais l’adoption de mesures politiques à la hauteur des enjeux.
Les scientifiques alertent depuis des décennies sur l'accélération du dérèglement climatique, la perte de biodiversité et l'aggravation des injustices qui accompagnent l'effondrement écologique. Fort·es de ces consensus scientifiques, des membres de Scientifiques en Rébellion accusé·es dans ce procès présenteront, lors d’une conférence en ligne le 7 novembre à l’occasion de la « Sustainability Week » organisée par Centre Munichois de la durabilité (Münchener Zentrum für Nachhaltigkeit), les raisons de leur engagement dans la désobéissance civile non violente comme forme délibérée de communication climatique. Ils et elles évoqueront également les poursuites judiciaires engagées contre eux par l'État bavarois, ainsi que les implications éthiques, politiques et professionnelles d'une telle action.
Rappel du contexte
Les scientifiques poursuivi·es doivent répondre de plusieurs chefs d'accusation, notamment de dégradation, d’intrusion et de coercition, à la suite d’actions non-violentes dans les bureaux du fond d’investissement BlackRock, à une intersection bloquée au centre de Munich, et dans le salon d’exposition BMW. Ces actions ont été menées à l’occasion d’une campagne de désobéissance civile non-violente du collectif Scientist Rebellion, en octobre 2022, à Berlin et Munich, pour dénoncer le manque de mesures de lutte contre le changement climatique. Leurs arrestations à ce moment-là, impliquant 20 personnes au total, avait déjà été suivies de détentions préventives durant jusqu’à 6 jours. Leur incarcération avait provoqué une vive réaction de la communauté scientifique : 1300 scientifiques avaient signé une lettre ouverte en soutien à leurs collègues. Par la suite, des amendes individuelles très élevées ont été requises contre les prévenu·es, s’élevant à près de 10 000 euros par personne, pouvant être commuées en 5 mois de prison. Ces amendes ont été systématiquement et formellement contestées, ouvrant ainsi la voie à une série de procès au tribunal de district de Munich.
Scientist Rebellion est un mouvement international de scientifiques et d'universitaires de plus de 32 pays qui appellent à la désobéissance civile pacifique face à l'échec politique de la crise climatique. Sa branche française Scientifiques en rébellion comprend 500 membres et 4000 sympathisant·es.