2023-02-24

Des centaines de scientifiques appellent BNP Paribas à stopper le financement de nouveaux projets d’énergie fossile

Dans une lettre ouverte publiée le 24 février 2023 dans le journal L’Obs, 600 scientifiques, dont plusieurs co-auteures et coautrices des rapports du GIEC, demandent aux membres du Conseil d’administration de BNP Paribas de prendre leurs responsabilités en cessant tout soutien à l’ouverture de nouveaux gisements pétroliers et gaziers. Cette lettre ouverte a été écrite à l’initiative de Scientifiques en rébellion, collectif de scientifiques qui considèrent que, face à l’urgence écologique, la désobéissance civile est nécessaire et légitime. Elle vient appuyer la plainte à l’encontre de BNP Paribas, déposée le 23 février par trois associations (Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France), pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales.

Dans leur lettre, les scientifiques rappellent qu’il y a actuellement un consensus scientifique sur le fait que l’ouverture de nouveaux gisements d’énergie fossile est incompatible avec le respect de l’Accord de Paris, et donc avec la limitation du réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C. Ils et elles demandent à BNP Paribas « d’être à l’écoute des scientifiques, et non pas d’acteurs qui continuent contre vents et marées leur politique de fabrique du doute afin de maintenir le statu quo ».

Les scientifiques relèvent que BNP Paribas fait partie des établissements qui ont financé et continuent de financer massivement de nouveaux projets pétroliers et gaziers, rappelant notamment qu’elle a été entre 2016 et 2021 « la première au niveau mondial pour le financement du pétrole et du gaz en Arctique et la première au niveau européen pour le financement de l’expansion des énergies fossiles ». Les récentes annonces de BNP Paribas sont largement insuffisantes. Notamment, l’affirmation par BNP Paribas que sa trajectoire s'inscrit pleinement dans le scénario de l’Agence internationale de l’énergie est considérée comme « un mensonge éhonté ».

Les scientifiques interpellent les membres du CA de BNP Paribas qui se sont engagé·es publiquement pour la sauvegarde de l’environnement, et les appellent à démissionner si BNP Paribas continuait à soutenir directement ou indirectement l’ouverture de nouveaux gisements d’énergies fossiles. On peut effectivement noter que, parmi les administrateurs et administratrices, se trouvent Marion Guillou (scientifique membre du Haut conseil pour le climat), Rajna Gibson Brandon (professeure de finance membre du Comité de stratégie et de surveillance de Sustainable Finance Geneva, qui appelle dans ses travaux les entreprises et leurs administrateurs à agir pour la soutenabilité), Pierre-André de Chalendar (qui a publié un ouvrage sur l’engagement des entreprises pour le climat), Jacques Aschenbroisch (vice-président de Institut de la Finance durable) ou Jean-Laurent Bonnafé (vice-président de l’Association des entreprises françaises pour l’environnement). On pourrait aussi attendre d’autres membres du CA qu’ils et elles soient particulièrement attentifs et attentives aux conséquences néfastes des activités de BNP Paribas et à leur soutenabilité à long terme : Daniela Schwarzer (directrice de l’Open Society Foundation pour l’Europe) ainsi que Sandrine Verrier et Hugues Epaillard (représentant.es CFE-CGC élues par les salarié.es de BNP Paribas).

La plainte déposée par les trois associations le 23 février est le premier contentieux climatique mettant en cause une banque commerciale, et vise à mettre fin à son soutien financier aux nouveaux projets d’énergies fossiles et d’adopter un plan de sortie du pétrole et du gaz. La banque a également fait l’objet le 6 février d’actions coordonnées visant à mettre ses distributeurs automatiques hors d’usage. Ces actions organisées par Extinction Rebellion ont eu lieu dans une trentaine de villes en France.

Le collectif Scientifiques en rébellion propose en outre quelques éléments de contexte supplémentaires au sujet de cette lettre ouverte : « Tout d’abord, s’il faut saluer le grand nombre de signatures qui ont été recueilles auprès de la communauté scientifique, et remercier celles et ceux qui l’ont fait, il faut également s’interroger sur celles et ceux qui n’ont pas signé, et des raisons pour cela. En particulier, un certain nombre de scientifiques ont des liens forts avec BNP Paribas, notamment via le financement par cette banque de projets de recherche ou de formations. Lorsque nous avons sollicité spécifiquement des scientifiques ayant des liens avec cette banque (Comité scientifique de la Climate & Biodiversity initiative de la Fondation BNP Paribas, Fonds Bruno Latour...), nous avons dans l’immense majorité des cas reçu une fin de non-recevoir. Visiblement, on ne mord pas la banque qui vous nourrit. Ceci, au-delà du cas spécifique de cette lettre ouverte, permet d’éclairer la politique de BNP Paribas – mais également de TotalEnergies – qui vise à acheter le silence des scientifiques via le financement de l’enseignement supérieur et de la recherche et au travers d’une communication abondante et trompeuse sur leur politique RSE.

Ensuite, cette lettre vient rappeler qu’il y a actuellement une opposition claire entre les recommandations des scientifiques et les décisions prises par les personnes qui contrôlent les multinationales fossiles. Ces personnes ont le pouvoir et le devoir de changer la stratégie les entreprises qu’elles dirigent pour limiter la catastrophe climatique, et pourront être tenues responsables si elles ne font rien. L’inaction n’est plus tenable, car il en va de l’avenir de l’humanité. La question de la manière dont on peut, dès aujourd’hui, arrêter l’ouverture de nouveaux gisements fossiles devrait être au centre de l’agenda politique et des discussions citoyennes.

Au vu de ce constat, nous appelons tous les citoyens, les associations, les institutions publiques et les scientifiques à augmenter la pression sur BNP Paribas par tous les moyens à leur disposition. »