pesticidesagriculturesanté 2025-04-03

Les pesticides tuent : santé et biodiversité en danger

« Nous devons changer de toute urgence de modèle agricole par un investissement massif pour accompagner les agriculteurs et agricultrices vers des méthodes agronomiques biologiques et agroécologiques. » Face aux reculades politiques, des dizaines de collectifs avec des scientifiques et des élu·es appellent à un arrêt au plus vite de l’usage des pesticides en France, en Europe et dans le monde.

Tribune publiée sur Mediapart.

Nous ne pouvons plus ignorer que les pesticides ont des effets délétères massifs sur la biodiversité et la santé.

En juin 2023, la France a été condamnée par le tribunal administratif de Paris pour inaction face à l'effondrement du vivant et est sommée de réduire sa consommation de pesticides conformément à ses obligations nationales et européennes. Malgré cette injonction, nos politiques proposent de voter la réintroduction des néonicotinoïdes et de sacrifier les normes environnementales protectrices dans la loi Duplomb visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur !

Face à ces reculades politiques scandaleuses, des dizaines de collectifs avec des scientifiques et des élu·es, appellent à un arrêt au plus vite de l’usage des pesticides en France, en Europe et dans le monde.

Nous devons changer de toute urgence de modèle agricole par un investissement massif pour accompagner les agriculteurs et agricultrices vers des méthodes agronomiques biologiques et agro-écologiques.

Car les alertes scientifiques se multiplient.

La destruction de la biodiversité

L'effondrement de la biodiversité est précipité par l'agriculture intensive industrielle qui répand 70 000 tonnes de pesticides par an en France contaminant tous les milieux (sols, air, eau, biote), avec des conséquences sur toutes les chaînes alimentaires (IFREMER-INRAE, 2022). Les études scientifiques montrent une chute fulgurante en Europe depuis 30 ans, de 60 à 80% de l’abondance des insectes (Halmann et al., 2017) ainsi que de 30% des populations d’oiseaux dont le déclin est lié notamment aux pesticides (Rigal et al., 2023). Cette extinction dramatique menace de provoquer l’effondrement des écosystèmes et de la production agricole dont nos sociétés dépendent (Nations Unies, 2019).

Les dangers pour la santé

Les conséquences de l'utilisation de pesticides sont également catastrophiques pour la santé humaine. Les pesticides ont des effets neurotoxiques, perturbateurs endocriniens et cancérigènes avérés (INSERM, 2021). La santé des personnes vivant en milieu rural est particulièrement affectée. Après les ouvriers agricoles de l'industrie de la banane en Guadeloupe et Martinique, c'est maintenant l'ensemble des Antillais adultes qui sont frappés massivement par des cancers de la prostate du fait de la contamination généralisée de la population au chlordécone. Des agriculteur·ices des régions viticoles sont malades de cancer dès l'âge de 50 ans. Chez les enfants de Charente-Maritime, des clusters de leucémies pédiatriques ont été détectés à l'adolescence.

Mais ces produits chimiques nous contaminent tous et toutes car des résidus de pesticides sont retrouvés dans 73% des fruits et 46% des légumes cultivés non bio en France (Générations Futures, 2024). Des pesticides sont retrouvés dans 80% des masses d'eau souterraines avec 40% de substances actuellement interdites (Info.gouv, 2019) conduisant à la fermeture de 13 000 captages d’eau potable depuis 1980 en France (Igas, 2024) . Certaines familles d’agrotoxiques, notamment les PFAS soit 12% des substances actives de pesticides, pourraient perturber la santé du système reproducteur féminin en favorisant l’endométriose – maladie associée à l’infertilité féminine et touchant 5 % à 10 % des femmes en âge de procréer (INSERM, 2021). Les cancers, les pathologies chroniques et auto-immunes explosent.

L’agrochimie et le colonialisme chimique

L’Union européenne est la première région productrice de pesticides dans le monde, et exporte dans les pays du sud, les pesticides les plus toxiques interdits en Europe. Il s’agit d’un véritable colonialisme chimique avec effet boomerang, puisque ces substances chimiques très toxiques reviennent ensuite dans nos assiettes en Europe, par l’importation de produits traités avec ces mêmes pesticides.  Regroupés au sein de “Croplife International”, les plus grands fabricants de pesticides comme BASF, Bayer, Corteva et Syngenta, dominent les deux tiers du marché mondial et enregistrent des milliards de chiffre d'affaires. Ce sont les mêmes géants de l'industrie chimique, qui vendent les semences qui doivent nourrir l'humanité mais aussi les produits qui empoisonnent la terre et les êtres vivants.

Les solutions existent

Nous défendons l'agriculture biologique ainsi que la souveraineté alimentaire, en tant que ‘droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables, et leur droit de définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles’ (Via Campesina). Ces alternatives existent partout dans le monde.  La prospective INRAE (2023) montre que l’agriculture européenne peut s’affranchir des pesticides chimiques, tout en restaurant les écosystèmes, en limitant les émissions de gaz à effets de serre et en préservant la souveraineté alimentaire.

Il faut donc de la volonté politique. Des mesures d'accompagnement du secteur agricole sont nécessaires, notamment par une refonte de la politique agricole commune (PAC) européenne, pour prendre en charge les coûts liés à la transition vers une agriculture sans pesticides. L’UE doit aussi cesser l’exportation de pesticides dangereux et interdits sur son territoire, vers le reste du monde.

Rappelons que l’utilisation des pesticides coûte près de deux fois plus à l’Europe - coûts sanitaires des maladies liées aux pesticides, dépollution de l’eau… - que ce secteur ne rapporte.  A l’inverse, la transition agro-écologique a un coût qui resterait accessible. Tripler les fermes bio d’ici 2030, un des objectifs de la stratégie « De la ferme à la fourchette » de l’UE, coûterait 1,85 milliard d’euros par an soit moins que le coût annuel des impacts négatifs des pesticides en Europe, estimé à 1,9 milliard d’euros (Le Basic, 2021).

Nous demandons donc une sortie urgente des pesticides dont les modalités sont à débattre dans une conférence citoyenne pour une agriculture conciliant production, revenu décent, santé et respect de l’environnement, présent et avenir.

Signataires

Scientifiques en rébellion
Extinction rebellion
Action Justice Climat Paris
ActionAid France
Agir pour l'environnement
Alerte des Médecins sur les pesticides
Alerte Pesticides Haute-Gironde
Alliance santé planétaire
Alter Kapitaee
Avenir Santé Environnement
Cantine sans plastique
COAADEP 'Collectif des ouvriers agricoles et de leurs ayant droits empoisonnés par les pesticides'
Coquelicots de Paris
Défense des milieux aquatiques
Fridays for future
Génération futures
Indecosa-cgt 'Information Défense des Consommateurs Salariés'
La Fabrique des Soignants
Les Ecologistes
LPO 'Ligue pour les oiseaux'
Médecins du Monde
Miramap ‘Mouvement inter-régional des AMAP’
Notre affaire à tous
Nous Toutes Paris sud
Pollinis
Riverains ensemble
Secrets toxiques
SOS MCS ‘Aide et défense des personnes atteintes d'hypersensibilité chimique multiple'
Stop aux cancers de nos enfants
Terre d'Abeilles
Victoires populaires