Action Craquage Total : les industries fossiles protégées par la police
Le 23 mai dernier ont eu lieu deux actions de désobéissance civile non violente à Paris, à l’occasion de l’Assemblée générale de TotalEnergies. Des membres de Scientifiques en rébellion ont contribué à cette journée. Ce texte vise à relater ces évènements et à interroger le rôle répressif de la police.

En premier lieu, l’action « craquage total » [1] a débuté au siège de BNP Paribas. Il s’agissait de pointer une nouvelle fois la responsabilité des banques et des assureurs dans le financement de projets destructeurs comme l’oléoduc EACOP en Tanzanie et en Ouganda. Au matin, des militant·es ont investi le siège de la BNP, boulevard Haussmann, et une performance artistique a pu être donnée dans le hall d’entrée. La brigade de répression de l’action violente (nous soulignons) motorisée (BRAV-M) est intervenue rapidement. Plusieurs vidéos [2] indiquent clairement que son rôle a consisté à attendre les militant·es non violent·es (nous soulignons) à la sortie de la banque pour les molester, projeter au sol, etc.
En second lieu, une contre-Assemblée générale de Total [3] a commencé à s’organiser en début d’après-midi au square Louise Michel, juste au pied de la basilique Montmartre. L’objectif était de proposer une rencontre-débat citoyenne sur l’avenir énergétique. Là encore, la police, incarnée par la BRAV-M, en a décidé autrement. Les militant·es ont été nassé·es et le matériel confisqué ou détruit. Plusieurs camarades, en particulier les porte-paroles, ont été placé·es en garde à vue. Pendant plusieurs heures, de nombreux·ses touristes ont assisté à l’étrange scène d’une vingtaine de militant·es assis·es calmement à côté de la fontaine Paul Gasq et entouré·es par des policiers vêtus de noir et casqués. « La France est bien le pays des droits de l’Homme ? » a-t-on pu entendre.
La répression policière au travers de ces deux actions suscite plusieurs commentaires :
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Il est clair une fois de plus que la police, incarnation du pouvoir gouvernemental, n’hésite pas à utiliser la violence sur des militant·es non violents. L’intervention à deux reprises de la BRAV-M l’atteste, de même que ses modalités plus que musclées. Nous avons été choqué·es par ces images ou par les témoignages de camarades brutalisé·es sans raison. Rappelons qu’en 2022, l’ONU, au travers de son rapporteur spécial Michel Forst, avait dénoncé la France comme étant le « pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux » [4].
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Plus généralement il est notable que l’action de la police s’est inscrite dans cette stratégie visant à faire de l’ « espace des manifestations et de la contestation démocratique [...] une zone d’exception » [5]. L’intervention disproportionnée de forces policières avec un « impact visuel » a plusieurs effets, à commencer par décourager les manifestant·es mais aussi par donner au public l’impression que son intervention est nécessaire face à des contestations qui seraient illégitimes.
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La police est intervenue de façon extrêmement rapide, ce qui laisse à penser qu’une vigilance particulière existait en ce jour de la 101e Assemblée générale de Total. Si on songe aux dispositifs de vidéo-surveillance, désormais omniprésents, et aux déplacements motorisés de la BRAV-M, le résultat n’est pas étonnant. Par contre, on pourra s’étonner d’un pareil déploiement policier dans un contexte d’Assemblée générale d’une entreprise privée. Les touristes de Montmartre nous ont posé une question importante. L’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 nous rappelle ainsi que « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » [6]
Alors que l’avantage de tou·tes et l’intérêt général consisteraient à redoubler d’effort pour affronter les bouleversements écologiques majeurs en cours, le gouvernement préfère museler les voix qui encouragent la discussion et la construction commune d’un avenir soutenable. Nous ne nous laisserons pas intimider par les nouvelles stratégies policières : nous tenons à réaffirmer notre attachement à la désobéissance civile non-violente et à souligner que cette voie a, dans l’histoire, souvent permis aux causes légitimes de s’imposer.
Références
[1] L’action du matin de « Craquage total ».
[2] Par exemple la vidéo de cet article.
[3] Le récit de la contre AG Total.
[5] Lucas Lévy-Lajeunesse, « Police vs État de droit », AOC, 7 avril 2025.
[6] La déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789.